Pour lutter contre les multiples iniquités de traitement en matière d’atteintes à la dignité de la personne, à raison de son origine, de son sexe, de sa situation familiale, de son apparence physique, de son patronyme, de sa santé, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales; de son appartenance ou de sa non appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, nos instances dirigeantes tentent d’innover par le concept de » discrimination positive « .
Dans le même temps, au sein même des administrations, au prétexte de stimuler par une pression positive les agents de l’Etat dans l’exercice de leurs fonctions, il est instauré la prime au mérite pour résultats exceptionnels.
La mise en oeuvre de cette mesure, dont l’ambition affichée est de récompenser le mérite du travail accompli, crée sur un mode scolaire une « discrimination négative » au sein même des administrations de l’Etat.
L’introduction d’une notion de mérite dans l’attribution de cette prime repose principalement sur des critères subjectifs et arbitraires, souvent contestables, qui creusent encore plus les iniquités de traitement des personnels de la fonction publique. Quels que soient les critères retenus pour l’attribution de cette prime, ils semblent contradictoires avec l’esprit et avec la notion de service public, en particulier dans le domaine des fonctions judiciaires et policières.
Une telle pression exercée pour obtenir des résultats ne peut aboutir à terme, qu’à des dérives, des bavures ou à des erreurs judiciaires. Pour exemple, l’affaire D’OUTREAU, qui durant sa phase d’enquête, a vraisemblablement été considérée comme » une affaire DUTROU bis » par les services d’enquêtes et judiciaires, car juteuse d’un point de vue résultats, n’a été en fait qu’un Tchernobyl judiciaire.
Outre cet exemple médiatique et symbolique, d’autres affaires oubliées ou moins intéressantes ont pu aboutir à un résultat positif au détriment de la vérité. Un magistrat ou un enquêteur, doit être guidé uniquement par une culture de vérité et non pas par une culture de résultat à tout prix. Une personne innocentée par un travail d’enquête, est une personne qui a recouvré sa dignité, telle est la mission des services d’enquête et de justice, même si le résultat n’est pas porteur au final, dans le sens où l’affaire reste non résolue. Bon nombre d’affaires non abouties à ce jour, sont conduites par des enquêteurs et des magistrats de qualité, motivés et déterminés. Il n’en reste pas moins des hommes. Sont-ils déméritants pour autant? N’ont-ils pas le droit à la reconnaissance de leur travail ?
Par ailleurs, cela voudrait-il dire, que les dossiers non juteux, ne seront plus traités car non méritoires. Quid du devenir de ces affaires? Qui en voudra? Qui les traitera?
L’exercice des fonctions policières ou judiciaires est particulièrement délicat. Prendre une décision de placement en garde-à-vue, de mise en examen ou de placement en détention provisoire, doit en aucun cas prendre en considération la notion de résultat, mais doit reposer uniquement sur des fondements strictement juridiques motivant ou non la mesure. Tout défaut d’appréciation serait préjudiciable tant aux acteurs de la chaîne judiciaire, qu’aux parties concernées.
En définitive, le flou des critères d’attribution de cette prime, leur caractère subjectif ont généré un profond sentiment d’injustice.
Cette prime propulsée à la hâte, a été une première fois distribuée pendant les fêtes de Noël 2004, ce qui a été, certes, un beau cadeau pour les quelques élus et un bon coup de massue pour les personnels non retenus, représentant une majorité d’oubliés. L’effet stimulateur annoncé, n’a fait que provoquer un sentiment d’amertume et d’incompréhension. A cela s’est ajouté, les regards des enfants et conjoints qui n’ont pu bénéficier de cette manne financière supplémentaire, considérant que leur parent ou conjoint était de fait, mauvais car non méritant.
C’est ainsi, que pour tenter de rattraper le tir, une nouvelle instruction (N° 10600 DEF/GEND/RH d 14 avril 2005 ) est intervenue quelque 6 mois après, pour se substituer à l’instruction N° 29000 DEF/GEND/RH du 15 octobre 2004. (En gendarmerie)
Privilégiant cette fois, l’attribution de la prime à titre collectif, le résultat escompté n’est toujours pas au rendez-vous, les oubliés étant toujours aussi nombreux et les familles toujours autant désabusées.
On voit bien là, une tentative de saupoudrage dans la répartition de cette prime, qui ne dépend plus du mérite, mais plutôt du nombre d’unités proposées et retenues, et de leur secteur géographique pour avoir une impression d’équité. Là, encore une fois, la hiérarchie ne sachant comment justifier l’injustifiable, tente d’expliquer qu’il s’agirait peut-être d’un premier tour de rémunération et que pour l’année prochaine, il faut garder espoir…
En matière de « méritocratie », il faut admettre que cette notion bien souvent galvaudée, est trop souvent assujettie au degré d’affinité que l’on entretien avec ses chefs. Gare aux électrons libres et à ceux dont le travail perturbe. Par contre, n’y aurait-il pas un plan bis, pour lutter contre la « médiocratie », qui elle se voit régulièrement récompensée sur le dos des chevilles ouvrières de nos administrations, qui elles n’ont qu’à continuer à souffrir en silence ?
Gustave de Quercy