Isabelle était aux côtés des blessés castrais pris dans l’embuscade le 18 août 2008./Photos DDM
Deux ans et demi après, le souvenir de la mort des 8 soldats castrais reste trés fort en Afghanistan parmi les militaires français. Comme a pu le constater notre reporter qui vient d’y passer quelques jours.
18 août 2008. Une date que personne n’a oubliée à Castres. Et qui se rappelle à chaque combattant, en Afghanistan, comme elle s’inscrit derrière 9 noms, sur les monuments aux morts des camps français de Kaboul, de Kapisa et de Surobi. Ce jour-là ? Une patrouille du 8e RPIMa tombe dans une embuscade, en arrivant au col qui surplombe la vallée d’Uzbin. Cloués au sol par le feu ennemi, les paras subissent de lourdes pertes. Adjudant Devez, sergent Buil, sergent Grégoire, caporal Chassaing, caporal Gaillet, caporal Le Pahun, caporal Rivière, caporal Taani, du « 8 » et sergent Penon, du 2e REP… le choc et le traumatisme ont été profonds. Et les soldats français actuellement engagés en Aghanistan n’oublient pas. « C’était des troupes d’élite et d’excellents militaires » témoigne Isabelle, aumonier aux armées depuis 13 ans, de retour aujourd’hui à Kaboul.
CE 18 AOÛT, ELLE ÉTAIT LÀ
Pasteur de l’église évangélique libre de France, cette femme mariée et mère de trois enfants a en effet enchaîné les opérations extérieures depuis une décennie entre le Tchad, le Kosovo ou le Liban. Mais c’est bien l’Afghanistan qui l’a le plus marquée. « J’étais là en 2008, lorsqu’il y a eu les 10 morts d’Uzbin. Je devais fêter mon anniversaire, ce soir-là. Mais, l’urgence c’était d’être présente, à l’hôpital. J’ai alors passé la nuit auprès des blessés pour leur donner des nouvelles de leurs camarades et les écouter tant ils avaient besoin de raconter ce qui les avait habités durant ces heures, la peur et la façon dont ils y avaient fait face, les pas devant la grotte, les voix des insurgés qui les cherchaient… Mais il y avait aussi ceux qui ne pouvaient rien dire » se souvient-elle. Ajoutant « à tous, j’ai proposé de prier pour eux, aucun n’a refusé.»
Ensuite ? «Clairement, il y a eu un avant et un après Uzbin » témoignent ceux qui sont aujourd’hui sur le terrain en Afghanistan en ayant connu « l’avant ».
Treillis et chaussures enfin adaptées aux conditions, meilleures protections, «avec de nouveaux gilets, mais aussi des genouillères, des coudières, très importantes pour le confort du fantassin, ici, sur le rocher», confie un soldat, ou intendance mobilisée en permanence pour que les hommes ne manquent de rien: «Uzbeen a accéléré une nécessaire mutation» résume un officier. Pour l’armement aussi. Et cela vient visiblement combler un manque car c’est spontanément que les hommes témoignent de « meilleures conditions en Afghanistan, avec tout ce qu’il faut pour remplir la mission. ».
« Le drame d’Uzbin a révélé des carences, des retards et déclenché une véritable prise de conscience, côté qualité, disponibilité et modernité du matériel », reconnaît un gradé. Un abandon de la culture «bandes molletières » qui se vérifie bien, depuis le poste du 3e Régiment du matériel de Muret. Ses mécanos à Kaboul reçoivent tous les nouveaux blindés et matériels, tous caractérisés par le souci de la protection et d’une puissance de riposte disant aussi «plus jamais».
Le «cher militaire inconnu» de Marie-Ange, 87 ans
Dans le bureau d’Eric à Kaboul, officier du 3e Régiment du Matériel de Muret, il y a des dessins d’enfants. Mais aussi précieusement conservée, la correspondance qu’il a reçue de Marie-Ange. Marie-Ange ? Une Castraise de 87 ans. Et pour Noël, elle a envoyé une lettre de soutien aux Français en Afghanistan, sans savoir qui l’ouvrirait.
Une lettre qui commençait par: «Cher militaire inconnu» et qui se poursuivait… «Noël arrive et je vous souhaite pour cette fête quelques jours de répit, pleins de camaraderie et de joie et du courrier de votre famille… Sachez qu’une famille inconnue pense à vous en même temps que la vôtre. Je suis sœur, mère et grand mère de plusieurs militaires qui ont servi la France, même en extérieur, en Indochine, Algérie, Ex-Yougoslavie, Côte d’Ivoire, Kosovo, Liban et au Tchad.» Des mots simples qui ont ému Eric. Capitaine parachutiste qui en tant qu’ancien du 1er et du 8e RPIMa en a pourtant vu d’autres. «J’ai pensé au filleul de Noël d’autrefois, c’était la première lettre arrivée, par hasard, parmi les cartes.» Une lettre qui l’a donc touché d’autant plus, sans doute, que Marie-Ange, justement est de Castres et qu’elle lui précisait «une ville, siège du 8e RPIMa qui se dévoue en Afghanistan. C’est pour vous dire que nous portons tous ces soldats dans notre cœur.»
«Des lettres comme ça, c’est extraordinaire quand on les reçoit» reprend alors Eric. Car… «ici, on a le sentiment d’être totalement oublié du reste de nos compatriotes» vous diront les soldats en Afghanistan. Tous dans l’attente de courrier et «d’un meilleur soutien moral du pays qu’ils servent, là-bas». P.C.
Bonjour Tarn
Sur la base de Tora, en Surobi, à l’est de Kaboul, se trouve actuellement le 2e Régiment d’infanterie de marine, du Mans… mais, évidemment, au 2e RIMa, tout le monde ne vient pas du bocage. Témoin Paul Henri, qui lui est «de Toulouse, Toulouse Esquirol.» Même. Précise-t-il en soulignant l’accent «putinkon». Paul Henri, sergent et vaguemestre du régiment, facteur disent les civils, qui, ce matin là, se faisait un devoir de partager le jambon qu’on lui avait envoyé du pays, avec ses copains et ceux de chez lui, à l’instar de Philippe, le capitaine à ses côté. Philippe dont le berceau familial s’articule entre Mirepoix et Lavelanet, un ancien du 8e RPIMa, et qui profite de la présente, donc, pour saluer ses anciens camarades castrais
Source: http://www.ladepeche.fr