Drôle de retraite pour un général

(Le Canard enchaîné (1) du mercredi 19 octobre 2005 N°4434- Extrait)

Un quatre-étoiles, le général Henri Poncet, ex-patron de l’Opération « Licorne », suspendu de ses fonctions parce qu’il aurait couvert une bavure en Côte d’Ivoire. Bigre !
Voilà une sévérité à laquelle ne nous avait pas habitués les huiles de la Défense. L’ordinaire, c’est plutôt :un, on étouffe ; deux : si ça fuite, on couvre ; trois : si ça explose, on se planque et on sacrifie un sous-fifre. Après quoi on lave son linge sale en famille.
Voir la mascarade contée en son temps par « Le canard ». En 2001 au Kosovo, prétextant un cas de légitime défense pour couvrir ses cow-boys, un autre général, Pierre de Saqui de sannes, avait monté un subtil scénario, faisant plâtrer la jambe parfaitement saine d’un sous-off. Relaxé par le tribunal aux armées, il a été muté sous les cocotiers avec une étoile en plus.
Voir aussi la mauvaise volonté de l’état-major à coopérer, après la plainte de six Rwandais mettant en cause le rôle des troupes françaises au moment du génocide. Troupes commandées à l’époque…par Poncet !
Voir encore les nombreuses bavures narrées par « Le Canard », en Côte d’Ivoire justement, qui n’ont eu de fâcheuses conséquences que pour des subalternes. Du braquage d’une banque au meurtre d’un jardinier en passant par le lynchage d’un gamin de 12 ans, les incidents devant l’hôtel Ivoire à Abidjan et la drôle d’explosion dans l’enceinte du 43e Bima couverte par Poncet soi-même. Pourquoi cette grosse et soudaine colère ? il se pourrait bien que Poncet, tout simplement, soit lâché par ses pairs et MAM. L’enquête judiciaire en cours concernant les circonstances de la mort de neuf soldats français à Bouaké en octobre 2004 lèvera peut-être un coin du voile sur de drôles de pratiques. Le bougre, décoré le 14 juillet dernier, serait-il devenu infréquentable ?
En coupant cette tête étoilée, MAM ferait ainsi d’une pierre trois coups. D’abord, offrir en cette période de tensions entre Paris et Abidjan un petit cadeau aux ivoiriens, qui détestent Poncet et sa rigidité style scrogneugneu. Ensuite, un petit répit à tous les galonnés qui, sur place, ont peur que la gestion brutale de leur cher collègue ne finisse par éclabousser le prestige de l’armée française en Afrique. Et, enfin, permettre à MAM de s’accorder un petit plaisir. La dame n’a jamais aimé Poncet.
La Défense a un ministre.

B.R.

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