D’octobre 1993 à Août 1998, le gendarme M… est en service à la brigade territoriale de gendarmerie d’ERSTEIN dans le Bas-Rhin.
Le 11 juillet 1996, il n’est pas en service et se détend avec sa famille à proximité du plan d’eau du Walgenrott à ERSTEIN.
Alerté par un enfant de la noyade d’un jeune garçon, il se précipite sur les lieux avec un maître nageur, plonge à plusieurs reprises dans l’eau trouble et ramène sur la berge l’enfant T…, âgé de six ans, les yeux révulsés et en arrêt cardiaque.
Très professionnel, il confie l’enfant inanimé au maître nageur, se précipite à la caravane de ce dernier, récupère le matériel d’urgence et participe activement à la réanimation de l’enfant qui peut ainsi être sauvé.
Il est indéniable que l’attitude très professionnelle du gendarme M…, son courage et son sang froid sont déterminants pour le sauvetage de cet enfant.
A l’exception de la famille de l’enfant, seul le maire de la commune d’Erstein remercie pour son action le gendarme M… dans une lettre chaleureuse datée du 19 juillet 1996. (lire la lettre).
Du côté de l’autorité militaire, rien, strictement rien !
Pourtant, le 12 août 1996, le commandant d’unité du gendarme M… lui demande d’établir un compte rendu sur cette intervention. Bien que rédigé par l’intéressé, ce compte rendu ne sera jamais transmis à sa hiérarchie, ni même inséré dans son dossier.
Quelques années plus tard, constatant que la prise en compte des mérites est l’élément principal pris en considération dans le déroulement d’une carrière, le gendarme M…, se décide enfin à faire reconnaître les siens !
C’est ainsi que le 5 mars 2002, l’intéressé adresse une lettre au Maire de la commune d’Erstein pour l’informer de la non transmission aux autorités hiérarchiques, par son commandant d’Unité, de sa lettre adressée le 19 juillet 1996.
La réaction du maire ne se fait pas attendre puisque dès le 22 mars 2002, celui-ci écrit au colonel Commandant la Légion de Gendarmerie du département de PICARDIE. (lire la lettre).
Comme vous pouvez le lire dans cette lettre, le maire est formel « j’estime, écrit-il, que ce fait doit être souligné et qu’il mérite que M.M… soit proposé pour l’attribution de la médaille pour acte de courage et de dévouement… et sévère pour la hiérarchie puisqu’il ajoute… je m’étonne d’ailleurs qu’à l’époque sa hiérarchie n’ait fait aucune démarche dans ce sens ».
Le 17 juillet 2002, puis le 28 février 2003, fort de cette lettre du maire, le gendarme M… saisit le Sous-préfet de SELESTAT.
Aucune de ces autorités ne daigne répondre. C’est bien connu, un Commandant de Légion de gendarmerie et un Sous-préfet ont autre chose à faire que de s’occuper du petit personnel.
Saisie, de ce problème, l’Association de défense des droits des militaires adresse le 11 avril 2004, un courrier au Sous-préfet de Sélestat. (lire la lettre).
Le 7 mai 2004, le Sous-préfet accuse réception et transmet la demande à Monsieur le Préfet de la Région Alsace, Préfet du Bas-Rhin. (lire la lettre).
La réponse arrive enfin le 10 septembre 2004 en ces termes :
« Monsieur le Président,
Vous avez bien voulu demander l’attribution de la Médaille pour acte de courage et de dévouement au profit de M. Paul M… qui a sauvé un enfant de la noyade sur le plan d’eau municipale du Walgenrott à ERSTEIN (Bas-Rhin), le 11 juillet 1996, affecté à cette date à la brigade de gendarmerie d’ERSTEIN.
Au vu de l’ancienneté des faits et après enquête, j’ai l’honneur de vous faire savoir que cette demande n’a pas été retenue.
(…) »
La motivation de cette lettre pour rejeter l’attribution de la médaille d’honneur du courage et du dévouement est des plus inattendue.
Ainsi, le Préfet a pris sa décision au vu d’une enquête. Ce précieux renseignement conduit tout naturellement le gendarme M… à en demander communication sur la base de l’article 2 et 6 de la loi 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public. C’est ce qu’il fait le 10 septembre 2004.
Le Sous-préfet de Sélestat, avait un mois pour communiquer cette enquête, soit jusqu’au 11 octobre 2004. Il ne donne pas suite.
C’est sans compter sur la détermination de notre gendarme qui, au fait de la procédure, saisit la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) d’une demande d’avis sur la communicabilité du document sollicité. La réponse parvient le 30 décembre 2004 :
« Ce document administratif vous est en effet communicable de plein droit, en application du II de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978 modifié. ».
Malgré l’avis de la CADA, le Sous-préfet de Sélestat persiste à ne pas vouloir communiquer la précieuse enquête. Qu’à cela ne tienne ! Une petite lettre consensuelle à Monsieur de VILLEPIN ne peut faire que du bien surtout lorsqu’elle est écrite sans passion. (lire la lettre).
« Etonné par l’inobservation de la règle de droit, par Monsieur Jacques WITKOWSKI, Sous préfet de Sélestat – Erstein, j’ai décidé de ne pas ester auprès de la juridiction administrative, mais de m’en référer à vous, connaissant votre attachement profond au respect du droit positif.
Ne remettant nullement en cause la décision de cette autorité et ne manifestant aucune acrimonie à son égard, je ne peux m’empêcher cependant de penser que la notion de mérite, régulièrement mise en exergue par les autorités politiques, est parfois bien difficile à mettre en oeuvre par les fonctionnaires. C’est la raison pour laquelle je sollicite votre arbitrage dans ce dossier. »
Cette petite intervention a le mérite de débloquer immédiatement la situation. En effet, le 15 mars 2005, le Préfet de Strasbourg adresse au gendarme M… la copie du rapport du Colonel GIERE, commandant le Groupement de Gendarmerie Départementale du Bas-Rhin. (lire la lettre).
Ce rapport est un chef d’oeuvre d’attention et de considération à l’égard du gendarme M…. Un rapport en tout point conforme à l’idée que l’on se fait du chef de l’article 10 du statut général des militaires, cet article qui dit en substance qu’il « appartient au chef, à tous les échelons, de veiller aux intérêts de ses subordonnés (…) ».
Je vous donne lecture de ce savoureux rapport et de sa chute finale (lire la lettre).
La lecture du rapport du lieutenant-colonel GIERE, commandant le groupement de gendarmerie départementale du Bas-Rhin laisse subsister quelques doutes sur l’identité présumée de Paul M …, qui n’est manifestement pas né un 31 avril 1965, sachant que ce mois ne comporte habituellement que 30 jours, même les années bissextiles. Quant à sa date d’affectation en unité de recherches le 8 février 2003, il y a également matière à s’interroger, puisque Paul M… a rejoint sa dernière unité le 16.09.2001. A-t-on seulement enquêté sur le bon Paul M… ?
D’autre part heureusement que la mémoire des anciens fait état que sans la réaction de ce gendarme, la fin aurait été tragique ! Sans cette précision, je reste persuadé que l’autorité administrative lui décernait la Légion d’honneur !
Si l’ancienneté des faits est un facteur déterminant pour ne pas accorder une récompense méritée, comment le Sous-préfet de Sélestat et le colonel commandant le groupement de Gendarmerie départementale du Bas-Rhin expliquent-ils des remises de Légion d’honneur plus de 80 ans après la première guerre mondiale ?
Qu’ils ne cherchent pas d’explications ! La réponse est dans le proverbe : « Mieux vaut tard que jamais ! »