« Nous partîmes ensuite pour Kaboul…Ce n’est plus qu’un village habité par une tribu de Persans, appelés Afghans. Ils occupent des montagnes et des défilés et jouissent d’une puissance considérable ; la plupart sont des brigands. » Ibn Battûta (1304 – 1369).
En fin de semaine dernière, concomitamment à l’élection de Mme Marine Le Pen à la tête du Front national –mais est ce un pur hasard ?- un écrit attribué au père Benoit Jullien de Pommerol , aumônier du 2ème régiment étranger de parachutistes s’est mis à circuler dans la communauté militaire.
Certains ne sont pas posés de questions et voulant faire un scoop, ont produit aussitôt un article. L’Adefdromil, quant à elle, fait un métier de journaliste. Elle vérifie ses sources. Elle cherche à comprendre pourquoi un écrit établi en fin de mission à la mi-juillet 2010 est diffusé maintenant.
Que nous dit ce document intitulé « rapport de fin de mission » sans aucune authentification possible, puisqu’il s’agit d’un document en fichier « word », qui peut être modifié selon le bon vouloir de celui qui l’envoie ou le reçoit ? Peut-être s’agit-il d’un brouillon retravaillé par de bonnes âmes ?
A partir d’exemples censés pris sur le terrain : l’ordre donné à un militaire féminin (baptisée, nous dit-on) de se couvrir les bras et la tête; salut à l’afghane (main sur le cœur) du CEMA à une unité militaire afghane lors d’une prise d’armes ; signe de la prière musulmane (mains ouvertes vers le haut) pratiqué par un colonel lors de sa participation à une choura (assemblée d’anciens et de dignitaires locaux), geste qu’il qualifie « d’apostasie »; comportements jugés irrespectueux d’Afghans lors des obsèques d’un militaire français ; etc. ; le père de Pommerol en tire conclusion que l’armée française se soumet à l’islam, donne ainsi des signes de faiblesses, et surtout se déconsidère.
Il reprend à son compte certaines valeurs des droits de l’homme comme la liberté de conscience individuelle ou la laïcité (intéressant pour un homme d’église) pour critiquer les consignes de l’armée française à ses militaires en opérations dans un pays aux particularismes culturels et religieux forts.
In fine, on a la clé de ces prises de positions : « Ce qui a construit notre pays sont les valeurs de la foi judéo-chrétienne. Ce qui construit le comportement des Afghans est la haine de nos personnes et la violence contre nous.. (cf le coran, la charia, les hadiths, etc). »
A cet égard, pour apporter un éclairage particulier sur l’impérieuse nécessité de la guerre de religions vers laquelle nous oriente cet écrit, nous ne pouvons que recommander la lecture du récit d’Amin Maalouf « Les croisades vues par les Arabes » – Collection « J’ai lu ».
Tout cela pose à nouveau le problème de notre présence en Afghanistan en tant que supplétifs de nos chers amis Américains… L’Adefdromil a demandé depuis plusieurs mois qu’un calendrier de retrait programmé soit publié.
Mais au-delà du contenu de l’écrit, on ne peut que s’interroger sur les raisons de la publication de ce texte qui enfreint le sacro-saint devoir de réserve auquel est soumis aussi l’aumônier, sauf lorsqu’il communique avec Dieu et la hiérarchie religieuse. S’il en est bien l’auteur, lui a-t-on donné des consignes strictes de confidentialité ? Nul doute que le ministre d’Etat va lancer les Torquemadas de la DCRI ou de la DPSD sur cette nouvelle violation, qui vaut bien celles d’un général Desportes ou d’un commandant Matelly.
Comble de la manipulation, le texte se termine par ce qui est présenté comme une note d’humour : « ni rouges, ni maures », ce qui est incontestablement une ficelle un peu grosse pour transférer les « péchés » des Afghans, d’origine persane comme le rappelle Ibn Battouta, sur les maghrébins et donc sur les musulmans français ou vivants en France. C’est ce qu’on appelle faire de l’amalgame. Et, on sait depuis la prise de Jérusalem en 1099 et le siège de Béziers en 1209, que Dieu reconnaît toujours les siens !
Curieusement, ce texte sort au moment de la désignation d’une nouvelle chef à la tête du parti politique, dont les prises de positions coïncident avec les réflexions du père de Pommerol. L’évêque aux armées va-t-il absoudre ce schismatique ?
L’Adefdromil ne voit pas un hasard dans cette publication et appelle ses lecteurs à la plus grande réserve sur le contenu de cet écrit, sa diffusion et ses conclusions.
Rapport fin de mission du 11 janvier au 16 juillet 2010 Abbé B.Jullien de Pommerol
NB: L’Adefdromil a volontairement occulté les noms des différents protagonistes.
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Cette publication a un commentaire
Voilà un rapport qui, sans langue de bois, informe les hiérarchies ecclésiale et militaire de la réalité de la situation. Loin des discours officiels.
Il est probable que ce soit au sein de l’état-major que ce rapport ait « fuité », comme l’on dit, dans la presse.
Preuve en est du malaise que cause, au sein même de notre armée, la politique qui y est menée…
En Afghanistan, on s’est manifestement trompé de guerre, puisque ce n’est pas la nôtre mais celle des Américains et que, de surcroît, ils ne la gagneront pas !
Mais, en lisant ce rapport, on se rend compte qu’on s’est aussi trompé de moyens employés pour la mener : on fait tout à l’envers !
Cette guerre est une Bérézina et ce rapport le démontre très clairement, dans un style compréhensible par tous.
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