…Ou le prestige du premier Ordre national en question.
La presse nous compte par le menu (lire l’article du Nouvel Observateur en cliquant ici) le litige judiciaire entre Madame de Fontenay et un célèbre coiffeur de la capitale décoré de la Légion d’honneur.
En effet, cette dame au chapeau a émis publiquement une critique sur la façon dont notre premier Ordre national était distribué en général et à ce célèbre » friseur ou perruquier » en particulier. Ce dernier a cité en diffamation l’icelle au motif qu’elle attenterait par ce fait à la réussite commerciale d’icelui. Laissons aux juges le soin de trancher ce litige et revenons un instant sur ce célèbre premier Ordre national.
Commençons par rappeler l’esprit de son créateur BONAPARTE, qui à Sainte Hélène tenait à LAS CASES les propos suivants : « …La diversité des ordres de chevalerie consacraient les castes, tandis que l’unique décoration de la Légion d’honneur, avec l’universalité de son application, était au contraire le type de l’égalité. L’une entretenait l’éloignement parmi les classes, tandis que l’autre devait amener la cohésion des citoyens… Le jour où l’on s’éloignera d’une telle organisation, on détruira une grande pensée et ma légion d’honneur cessera d’exister. »
En créant ainsi la Légion d’honneur le 19 mai 1802, il ne faisait que réaliser la volonté exprimée par l’Assemblée nationale qui avait aboli les ordres féodaux et de l’ancien régime quelques années auparavant.
L’article 1 du Code de la L.H. précise : « La Légion d’honneur est la plus élevée des distinctions nationales. Elle est la récompense de mérites éminents acquis au service de la nation soit à titre civil, soit sous les armes. »
Le Chef de l’Etat en est le Grand Maître (art. R3) et le grand chancelier, suivant ses instructions, dirige les travaux du conseil de l’ordre (art. R4) qui veille à l’observation des statuts et règlements de l’ordre etc.(art. R119 ).
Dernièrement, l’actuel Chef de l’Etat précisa le 5 Février 1996 par une lettre publiée au J.O. le 9 Février 1996 que cette distinction devait être attribuée équitablement à tous, hommes, femmes et quelle que soit l’appartenance des uns et des autres aux diverses classes. En un mot respectant l’esprit de BONAPARTE, il recadrait l’esprit de l’Ordre et donnait ses directives. Huit ans après aucun changement réel n’a été constaté. Etrange, le Chef est donc désobéi.
Après ces rappels des textes, des ordres du Président CHIRAC et des attributions des uns et des autres, faisons un constat à partir de documents officiels et de chiffres présentés il n’y a pas longtemps dans diverses requêtes devant le Conseil d’Etat et non contestés en défense par le ministère.
Le ministère gère environ 50% du quota des croix nationales de l’Ordre. 7,5 % sont attribuées sur titre de guerre ou citation. 25 % sont attribuées dans l’intérêt général à ceux qui sont investis de fonctions de commandement. (état de fait foncièrement discutable, passons…). 67,5 % sont attribuées sans titre ou action d’éclat aux seuls motifs du grade et de l’origine des officiers. (Aucun article du code ne précise cet usage étrange ! C’est un privilège instauré au seul ministère de la défense, tiens tiens !).
En un mot : deux croix militaires sur trois (soit une croix nationale sur trois !) sont attribuées sur le grade et l’origine ! Sont donc exclus pour une grande partie, les officiers non directs cités et surtout les non officiers cités, violant l’esprit de BONAPARTE, mais aussi un principe de la République (art. 6 de la DDHC de 1789, préambule de la Constitution).
Comment et pourquoi depuis 1852, date de la création de la Médaille militaire, tous les ministres, le commandement et l’administration du ministère et le grand chancelier, ont-ils réussi ce tour de force de discriminer dans les faits et dans les textes les non-officiers en retardant 0,1% d’entre eux et en privant les 99,9% restants de la Légion d’honneur.
Parce que la Médaille militaire n’est
qu’une récompense et non un ordre national (art. R. 136, 1° alinéa du code), que les citations acquises avant la même Médaille militaire ne comptent plus au delà de trois ou d’une citation à l’ordre de l’armée pour prétendre être inscrit au tableau de proposition de la L.H.et qu’ainsi privant le plus grand nombre des modestes et des sans grades, sont récompensés indûment des officiers directs qui pour la très grande majorité n’ont jamais pris d’autre risque que se fouler la cheville en descendant l’escalier de l’état-major. Il faut bien utiliser le quota des croix attribuées.
Ainsi, poursuivant l’indignité de Louis Napoléon prince président de la deuxième république qui avait besoin pour réussir le coup d’état qui le mettra sur le trône d’avoir la complicité des officiers du ministère qui n’avaient jamais participé à des actions de combat, les différents gouvernements de la 2° république, du second empire, des 3°, 4° et 5° républiques ont poursuivi et poursuivent ces discriminations. Ils ont discriminé des centaines de milliers de nos anciens non-officiers et continuent de discriminer leurs héritiers actuels.
La Médaille militaire attribuée aux maréchaux de France ou aux généraux grands croix ayant mené victorieusement des armées au combat… Ce n’est qu’un remède sur une jambe de bois pour faire moins mal.
Il fallait que cela soit publié.
Car ce qui distingue injustement et indûment ne distingue personne. C’est jeter le discrédit sur notre premier Ordre national, et sur la collectivité nationale.
Quelles justifications juridiques ou réglementaires, quels ordres impératifs peu probables signés de la main même des ministres successifs, et quelles arguties légales emploient ou sur lesquelles s’appuient les fonctionnaires du ministère et les chanceliers pour parvenir à un tel résultat, indigne pour l’Ordre et discriminatoire ? Rien d’autre que l’abus de privilège, la faveur ou la courtisanerie innommable. L’honneur du subordonné est lié à l’honneur du chef !
Le grand chancelier qui a pour attribution de faire respecter l’esprit et la lettre de la création de BONAPARTE, et l’obligation d’exécuter les ordres du Chef de l’Etat, averti de ces dysfonctionnements, a-t-il averti son successeur actuel, en a-t-il rendu compte à l’Elysée, et en a-t-il informé le Conseil de l’Ordre ? Son silence le rend complice.
N’avons-nous pas eu il y a quelques mois, le premier grand chancelier militaire depuis 1815… à ne pas avoir eu de récompense au combat ? Un signe des temps.
Alors, à l’occasion de ce litige concernant la Légion d’honneur d’un Figaro connu et la critique qu’en fait la marraine de MISS FRANCE, il nous a semblé utile d’éclairer le lecteur ou l’adhérent de ce problème important qui concerne notre illustre récompense, la Légion d’honneur à titre militaire.
Nous terminerons par deux citations anciennes :
La première date du XIV° siècle et est de Jean FROISSARD dans le Prologue de ses chroniques : « En effet, les exploits aux armes sont si chèrement payés et achetés, ceux qui y travaillent le savent bien, qu’on ne doit en rien mentir pour complaire à autrui et ôter gloire et renommée à ceux qui le méritent pour les donner à ceux qui n’en sont pas dignes… »
La deuxième date de 1555 ; elle est du maréchal de MONTLUC dans ses Commentaires (La Pléiade, page 345) : « …Car si vous Monsieur le gouverneur, voulez vivre à chère ouverte et cependant retrancher le manger des autres, vous tirerez sur vous la hayne de voz capitaines et soldats. Il est raisonnable que vous, qui avez plus d’honneur, ayez plus de part à la peine. ».
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