Un de nos sympathisants nous a adressé un texte du général de corps d’armée (2S) Marc ALLAMAND, membre du club des Sentinelles de l’Agora. Cette organisation « se présente comme « une association de réflexion et d’action indépendante qui traite des questions de Défense. Ses membres, anciens officiers généraux et officiers supérieurs, s’emploient à sensibiliser et alerter les personnalités, les groupes d’influence et l’opinion publique sur les grands sujets touchant la Défense. »
C’est la partie visible et officielle de la voix des généraux, bientôt en retraite à partir de 67 ans, en application de la réforme des retraites au 1er juillet 2011.
Quant à la partie officieuse ou occulte, elle s’est faite entendre voici deux ans environ sous la signature de Surcouf, ce qui a valu au Général Vincent Desportes, ancien patron des Ecoles de guerre d’être placé sur écoute ainsi que l’ont rapporté Le Canard Enchaîné et Le Monde.
Les préoccupations des généraux ne concernent pas la condition militaire, contrairement à l’objet social de l’Adefdromil.
Néanmoins, nous pensons que le cri d’alarme lancé par cet officier général mérite d’être publié sur notre site.
Il traduit assez bien l’état de délabrement de l’armée française. Et derrière le délabrement de l’outil lui-même, il y a le traitement des hommes souvent peu digne d’un état de droit.
C’est ainsi que l’interdiction du harcèlement ne figure pas dans le statut général des militaires,
c’est ainsi que les militaires pacsés sont totalement discriminés par rapport au reste des citoyens français, parce que le ministère n’a pas transposé dans les textes indemnitaires la situation nouvelle née de la loi créant le PACS en 1999,
c’est ainsi que les militaires quittant l’armée avant d’avoir acquis un droit à pension doivent cotiser à l’Ircantec (caisse des agents non titulaires de l’Etat) sur leurs deniers, s’ils veulent que leurs droits soient maintenus ;
c’est ainsi que des militaires ayant servi la France à titre étranger pendant 5 ans et plus se retrouvent sans papiers, transformés en SDF
c’est ainsi que la campagne double n’est pas accordée à nos militaires en opération en Afghanistan au motif que la France ne serait pas en guerre malgré ses 53 morts au combat.
Nous aussi, avec cet officier général, nous disons : Ca suffit !
ÇA SUFFIT !
Certes, il y a la crise économique et financière. Certes, la Défense doit participer à l’effort de rigueur budgétaire.
Mais nos Armées ne vont pas bien.
De lois de programmation non respectées en réformes successives trop rapides et décidées en fonction de considérations exclusivement budgétaires, les difficultés s’accumulent tant sur le plan humain que sur celui des matériels. Les crédits alloués sont juste suffisants pour équiper et entraîner les seules unités partant en opérations extérieures, pendant que le reste des armées vit une paupérisation accélérée et peine à maintenir la motivation de ses hommes avec des matériels trop comptés et souvent à bout de souffle.
Pourtant l’esprit de sacrifice de nos soldats est encore bien présent, au nom de valeurs qui se font elles bien rares dans notre société. Il suffit de parler avec ceux qui ont été marqués dans leur chair ces dernières années en opérations extérieures. Leur courage force l’admiration.
Pourrons nous encore longtemps maintenir intacte cette flamme?
Devant la constante dégradation de notre outil de défense, que font nos responsables politiques et militaires?
Le haut commandement ne peut que faire au mieux, avec ce qu’on lui donne. Il a été réduit à un rôle de gestionnaire et se réfugie dans un devoir de réserve, interprété abusivement, mais somme toute bien confortable pour lui comme pour les politiques. Cette attitude de soumission « perinde ac cadaver » inhibe malheureusement toute capacité à voir loin, ce qui est catastrophique sur les plans politico-stratégique et sociétal.
Les politiques, qui ont la lourde responsabilité de définir les moyens de défense correspondant aux impératifs de sécurité et aux ambitions internationales de notre pays, ne paraissent absolument pas préoccupés de cette situation critique. Ils restent dans une ambiguïté coupable. Ils font au demeurant bien souvent preuve d’une ignorance sidérante des problèmes de défense, même lorsqu’ils appartiennent à la commission de la Défense de l’Assemblée Nationale, dans laquelle certains paraissent plus enclins à toucher leurs indemnités de présence, qu’à réfléchir aux solutions des problèmes affectant nos Armées. Cependant, ce sont bien eux qui façonnent aujourd’hui l’avenir de la France en lui donnant ou non les moyens de la défendre.
Face à cette carence du politique et du commandement, nombre d’anciens responsables militaires se murent dans un silence coupable, au nom du même fallacieux devoir de réserve. Dans une démocratie du XXI°siècle, où chaque citoyen a le droit et le devoir de s’exprimer sur les questions fondamentales pour l’avenir de la nation, il est des plus regrettables que ceux qui en ont une certaine compétence n’entrent pas dans le nécessaire débat sur les objectifs et moyens de notre défense, en particulier dans le cadre du grand rendez-vous que constituera la prochaine élection présidentielle. Car l’esprit de discipline, qui fait toujours la force principale des armées, ne doit pas être le prétexte à une démission de leur responsabilité de citoyen averti.
Alors que Jacques Attali, comparait récemment, la situation de la France à celle du Titanic naviguant au milieu des icebergs et dont le Commandant s’occupait assidûment à préparer le plan de table de son dîner du soir, il convient de paraphraser Clémenceau:
» la politique de Défense de la France est une chose trop sérieuse pour n’être confiée qu’aux seuls politiques »
Général de corps d’armée (2S) Marc ALLAMAND, membre des Sentinelles de l’Agora.
Cette publication a un commentaire
Je ne suis pas un spécialiste des affaires militaires, je me garderai donc d’en parler. En revanche, en ce qui concerne le sort des soldats ayant servi des années et se retrouvant démunis, l’information est suffisamment disponible et il semble qu’il s’agisse d’une constante. Une double constante: dans le temps et de portée internationale. Il suffit de regarder l’exemple des soldats de retour d’Irak abandonnés comme l’étaient, dans le temps, les vétérans du Viet-Nam. En France, on recommence à économiser sur le primes en jouant sur les mots: il n’y aurait pas une guerre en Afghanistan mais une simple opération de maintien de l’ordre. Ca ne vous rappelle rien? L’Algérie? Ou les soldats des troupes coloniales recevant des pensions lamentables? Les exemples sont innombrables. La question se pose de savoir comment la France (et les autres aussi) se permettent d’utiliser tous les moyens possibles pour faire des économies sur le dos de ceux de ses soldats qui ont payé le plus cher leur engagement. Il semble que le pays ne fasse pas d’économies comparables sur les salaires retraites indemnités de ses élus qui n’ont pas toujours les mêmes mérites.
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